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n° 1, 1983 : Varia, p. 5-6

lundi 21 septembre 2015

Présentation

JULLIARD (Jacques)

L’idée de ces Cahiers est née d’un colloque qui s’est tenu à l’École normale supérieure du 13 au 15 mai 1982 et consacré à Georges Sorel et son temps. Dans son genre, cette réunion était une « première », puisque jamais l’auteur de L’avenir socialiste des syndicats n’avait eu en France l’honneur d’une grande confrontation scientifique. Les organisateurs poursuivaient un triple objectif : faire appel au triste destin de Sorel en France, où il est à la fois inconnu et méconnu ; faire un tableau de l’état actuel des études soréliennes, en montrant notamment aux Français leur retard sur nombre de pays étrangers, tels l’Italie et les États-Unis ; attirer l’attention sur les aspects les moins connus de l’œuvre de Sorel, notamment sa contribution au débat sur le marxisme, et sa réflexion sur les sciences et les techniques.

Les lecteurs des Actes du Colloque, qui paraîtront en 1984, diront si ces objectifs ont été atteints. Mais il est incontestable que les échos de cette réunion ont d’ores et déjà donné un coup de fouet aux études et aux réflexions sur Sorel. Les participants du colloque ont en effet demandé aux organisateurs de prolonger leur initiative sous une triple forme :

– créer une société d’étudess soréliennes, destinée à faire circuler l’information et à prendre des initiatives pour faire connaître et discuter l’œuvre de Sorel,

– lancer une édition des œuvres de Sorel,

– créer un bulletin.

La société a été fondée le premier juin 1983 en présence d’une trentaine de personnes, cependant que de nombreuses autres, de France ou de l’étranger, s’étaient fait excuser.

Le projet d’une édition des Œuvres en 15 volumes est en bonne voie grâce à la compréhension et au concours du ministère de l’Industrie et de la Recherche. Un projet de découpage a été élaboré par Shlomo Sand. Si les aides financières qui nous ont été promises nous parviennent, trois volumes (la correspondance) pourraient être mis en chantier dès la fin de cette année.

Quant aux Cahiers annuels, en voici le premier numéro. On y trouvera des études originales, des comptes rendus d’ouvrages, des publications de lettres inédites dont l’importance n’est pas contestable pour la connaissance de la vie intellectuelle et politique à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècles, puisqu’à côté du nom de Sorel s’y inscrivent ceux de Bernstein, Bergson, Croce et Michels. Les prochains numéros seront conçus sur le même modèle et réserveront à nos lecteurs des surprises heureuses.

Qu’il soit pourtant bien entendu que nous ne fondons pas une amicale sorélienne. Beaucoup d’entre nous nourrissent des réserves expresses à l’égard de telle ou telle partie de son œuvre. Ni piété, ni prosélytisme donc, qui ne seraient d’ailleurs guère conformes à l’éthique intellectuelle du solitaire de Boulogne. Nous faisons nôtre l’article 2 des statuts de l’Association qui précise :

« L’Association s’interdit toute exploitation politique ou idéologique de l’œuvre de Georges Sorel. Elle récuse par avance toute tentative d’identification de son action à quelque entreprise politique ou idéologique qui chercherait à se réclamer d’elle. »

Cette position a un corollaire. N’étant pas là pour entretenir une flamme, si ce n’est celle de la curiosité scientifique, l’Association et la revue tiendront leur tâche pour terminée le jour où leur apport sera épuisé. Nous ne nourrissons pas artificiellement une entreprise à coups de citations de l’Argus de la presse ou de publications inédites de notes de blanchisseuses.

Alors, pourquoi Sorel ? Parce que l’étude de son œuvre et de son rayonnement nous apparaissent indispensables à une connaissance exacte du mouvement intellectuel, socialiste et ouvrier du tournant du siècle. Georges Sorel fait authentiquement partie de la culture dominée à l’intérieur du mouvement ouvrier, celle qui s’apparente à la tradition du syndicalisme d’action directe. À ce titre, elle a été généralement rejetée dans l’ombre ou interprétée à contre-sens. Et pourtant, cette culture reste vivante, agissant dans le monde d’aujourd’hui. Nous voudrions tenter de montrer comment et d’expliquer pourquoi.


Cet article a été publié dans Mil neuf cent, n° 1, 1983 : Varia, p. 5-6.
Auteur(s) : JULLIARD (Jacques)
Titre : Présentation
Pour citer cet article : http://www.revue1900.org/spip.php?article12
(consulté le 21-09-2015)