Revue d’histoire intellectuelle

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Avant-propos JULLIARD (Jacques)

lundi 21 septembre 2015

Comme nous l’avions annoncé à nos lecteurs, les Cahiers Georges Sorel changent de titre et deviennent Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle. Est-ce la fin des temps soréliens ? Nullement ! Bien des travaux restent encore à accomplir pour mieux connaître l’œuvre de Georges Sorel ou sa réception. Mil neuf cent continuera à lui consacrer des textes et restera la revue des études soréliennes. L’article de Patrice Rolland, qui s’applique à l’analyse des rapports Sorel/Proudhon, le montre nettement. Notre revue, sous sa nouvelle forme, aura toujours à cœur de publier aussi des documents inédits de Sorel et maintiendra la bibliographie des travaux qui lui sont consacrés en France comme à l’étranger.

Dès lors, pourquoi changer de titre ? Parce qu’il nous est apparu, qu’à partir de l’œuvre de Sorel, il était possible et souhaitable de comprendre l’environnement intellecutel de l’auteur des Réflexions sur la violence. L’histoire intellectuelle connaît aujourd’hui des développements qui la tirent en tous sens. Notre revue veut s’en faire l’écho. Sociologie des intellectuels, histoire des idées, histoire politique, se heurtent en écoles rivales. Dans ce tumulte, Mil neuf cent a son mot à dire, prête aussi à accueillir tous ceux qui veulent contribuer au débat. Les collaborateurs de notre revue ne cherchent nullement à imposer une nouvelle orthodoxie - sont-ils d’ailleurs toujours d’accord entre eux ? -, mais refusent tous de se satisfaire du retour de traditions historiographiques poussiéreuses.

C’est bien dans cet esprit que la Société d’études soréliennes prépare pour l’année 1991 un colloque international sur "Les instruments de l’échange intellectuel en Europe au tournant du siècle". Le travail déjà réalisé par la Société, associée à mon séminaire de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, devra y trouver toute sa place. Trois étapes ont été franchies. La première fut la table ronde au cours de laquelle le cas de plusieurs revues, liées au mouvement ouvrier, a été analysé. Les Cahiers Georges Sorel en ont publié les travaux dans leur cinquième livraison. La deuxième fait l’objet de ce numéro. Durant l’année universitaire 1988-1989, plusieurs chercheurs sont venus exposer, dans le cadre de ce même séminaire, ce que pouvait être, selon eux, le rôle des Congrès dans un secteur particulier de la connaissance. La troisième, enfin, a eu lieu au mois d’octobre 1989, à la Biblipthèque nationale, et fut marquée par une table ronde consacrés au rôle des correspoindances dans les échanges intellectuels. Ces travaux donneront lieu à leur tour à une publication dans Mil neuf cent.

L’achèvement de la publication de la correspondance de Sorel à Edouard Berth nous laissait désormais toute latitude. Nous avons choisi de croiser notre fidélité à Sorel avec notre souci d’élargissement et de renouvellement. En publiant les inédits d’Augustin Cochin, préfacés par Fred. E. Schrader, Mil neuf cent a moins voulu apporter sa pierre à la commémoration du Bicentenaire de la Révolution française que mettre en valeur un type d’histoire intellectuelle dont nous nous sentons proches. "Le cas Cochin, explique Schrader, apporte la démonstration que les fonds d’archives privées sont loin d’avoir été suffisamment pris en considération pour l’histoire française contemporaine. Il atteste de manière frappante qu’une consultation et exploitation systématiques de ceux-ci reste nécessaire pour avancer des propositions fondées en histoire intellecutlle." Les documents (correspondances et notres préparatoires) et la présentation de Fred Schrader nous révèlent sans fard les mécanisems d’une élaboration intellectuelle. Ils nous permettent de saisir les conditions intellectuelles et matérielles qui président à la construction d’une pensée. Ils nous apprennent aussi beaucoup sur l’histoire de cette historiographie de la Révoluiton française. L’alliance Cochin/Mathiez contre Aulard, ce pontife républicain, que Schrader avait déjà mise en valeur lors du colloque de la Sorbonne organisé sous la responsabilité de Michel Vovelle, est un exemple lumineux de stratégie intellectuelle. Seules les sources de ce type, semble-t-il, peuvent vraiment fonder les rapprochements statistiques que des historiens mettent en valeur pour mettre à jour de telles pratiques.

En publiant ces documents, notre revue prétend aussi s’ouvrir à une histoire intellectuelle plus générale. Elle espère ainsi susciter de nouvelles collaborations qui seont toujours les bienvenues.


Cet article a été publié dans Mil neuf cent, n° 7, 1989 : Les congrès, lieux de l’échange intellectuel, 1850-1914, p. 3-4.
Auteur(s) : JULLIARD (Jacques)
Titre : Avant-propos
Pour citer cet article : http://www.revue1900.org/spip.php?article18
(consulté le 21-09-2015)