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Christian Sorrel, La République contre les congrégations. Histoire d’une passion française. 1899-1904
vendredi 25 septembre 2015
Lectures
Christian Sorrel, La République contre les congrégations. Histoire d’une passion française. 1899-1904
Paris, Éd. du Cerf, 2003, 265 p.
ROLLAND (Patrice)
Il y a quelque chose d’étonnant à relire l’histoire de l’affrontement de la République et des congrégations à travers ce livre qui limite ses ambitions à faire le bilan de l’histoire de l’expulsion des congrégations en 1901. On imagine mal, après l’évolution libérale du droit déjà inscrite dans la loi de Séparation et confirmée par son application jurisprudentielle, à quel point la répression des congrégations a pu être aussi dure et systématique. À lire Christian Sorrel on comprend que le contentieux avec les républicains, et même avec la société civile française, est ancien. En présentant d’abord le « monde puissant et contesté » des congrégations constituées au xixe siècle lors de la « reconquête » catholique de la France, on saisit d’où vient cette peur, assez largement fantasmée, des républicains. De ce bilan se déduit le sens de l’assaut donné contre les congrégations et leur « démantèlement méthodique » décidés par les républicains radicaux après la guérilla dont s’étaient contentés les opportunistes. La troisième partie analyse les destins congréganistes entre exil et sécularisation : l’exil a favorisé une internationalisation de ces congrégations et leur présence missionnaire dans les colonies non sans la complicité active ou passive de la République qui les chassait de la métropole. Curieuse République, qui dans la même loi adopte pour les associations la position la plus libérale qui soit en supprimant l’autorisation préalable et qui contredit radicalement ce libéralisme pour les congrégations qui restent seules soumises à autorisation, législative de surcroît, et dont il est entendu qu’elles ne l’obtiendront pas ! L’auteur souligne pourtant que les congrégations ont toujours posé problème à tous les gouvernements de la France après la Révolution (la Restauration autant que l’Empire), mais aussi dans de nombreux autres pays européens. De ce point de vue l’affrontement français n’est nullement unique, même si les expulsions y sont plus massives et radicales qu’ailleurs. La République française n’a fait que porter à son paroxysme un affrontement latent entre l’Église, dans sa forme la plus militante et la plus active, et les pouvoirs politiques européens des sociétés modernes. Leur modernité les rend nécessairement perplexes devant l’engagement congréganiste : un engagement total ; une obéissance sans faille envers le pape ; la mobilisation d’un personnel qui échappe assez largement aux contraintes et au conformisme que le régime concordataire peut imposer au clergé séculier, congrégations qui sont simultanément de moins en moins soumises à la juridiction épiscopale. Dans toutes les accusations et les griefs développés contre les congrégations que rapporte Christian Sorrel au moment des débats législatifs, on ne peut s’empêcher de retrouver des éléments communs à des débats récents sur les sectes. La culture républicaine conserve donc, malgré son évolution libérale, une réserve spontanée vis-à-vis des engagements religieux les plus poussés. Cette « passion française » reste une passion moderne.
Cet article a été publié dans Mil neuf cent, n° 23, 2005 : "La guerre du droit"
1914-1918, .
Auteur(s) : ROLLAND (Patrice)
Titre : Christian Sorrel, La République contre les congrégations. Histoire d’une passion française. 1899-1904 : Paris, Éd. du Cerf, 2003, 265 p.
Pour citer cet article : http://www.revue1900.org/spip.php?article96