Revue d’histoire intellectuelle

Accueil > Sommaires > N° 22, 2004. Enquête sur l’enquête > Marco E.L. Guidi et Luca Michelini (dir.), Marginalismo e socialismo (...)

Marco E.L. Guidi et Luca Michelini (dir.), Marginalismo e socialismo nell’Italia liberale. 1870-1925

vendredi 25 septembre 2015

Lectures

Marco E.L. Guidi et Luca Michelini (dir.), Marginalismo e socialismo nell’Italia liberale. 1870-1925
Annali [de la Fondation Giangiacomo Feltrinelli], XXXV, 1999 [paru en 2001], 618 p.

GIANINAZZI (Willy)

Cet ouvrage, qui comprend vingt et une contributions (d’historiens de la culture et d’historiens de l’économie), traite du rapport entre le socialisme italien et l’économie néo-classique, dite aussi marginalisme ou économie pure. Un tel sujet serait mince en ce qui concerne le socialisme français. Trois remarques résument l’importance et la spécificité du cas italien.

Premièrement, les universités italiennes donnèrent naissance à une école marginaliste particulièrement solide qui tirait son prestige de la fondation de sa discipline en science autonome (avec à la clé la création des chaires d’économie), de sa prétention à la neutralité analytique qui accréditait son statut scientifique (le positivisme ambiant aidant), et de son libéralisme anti-étatique qui la reliait à la tradition économique classique.

Deuxièmement, la participation des professeurs et des étudiants au mouvement socialiste italien fut massive précisément au moment – la seconde moitié des années 1890 – où les nouvelles doctrines économiques triomphèrent dans les universités en battant en brèche l’école historique, qui inspirait la politique interventionniste de l’État, et la sociologie anti-naturaliste et progressiste d’Achille Loria qui, dans son déclin, emporta avec elle un autre point de vue historiciste, le marxisme. Pour beaucoup, ce libéralisme intégral apportait la science au socialisme. L’aura de Maffeo Pantaleoni, qui fut le fondateur du marginalisme en Italie et qui eut pour étudiants nombre de socialistes, joua un rôle de diffusion plus grand encore que les écrits de Vilfredo Pareto, « exilé » à Lausanne [1]. Le libre-échangisme de cette école, naturellement bourgeoise, alla de pair avec le méridionalisme du socialisme anti-turatien et en favorisa l’alliance politique (côté bourgeois : Attilio Cabiati, Edoardo Giretti, Antonio De Viti De Marco, Luigi Einaudi, Vittorio Racca – qui préfaça deux livres de Sorel en Italie, mais ne fut pas socialiste, contrairement à ce qui est indiqué).

Troisièmement, il n’est pas sans importance que les avancées électorales du socialisme mirent à l’ordre du jour la politique de gestion municipale. Elles furent l’occasion de multiples débats sur le rapport entre dépenses publiques et satisfaction sociale à l’aune duquel furent soumis le principe de la municipalisation des services et le calcul de la pression fiscale (Giovanni Montemartini, Enrico Leone, Arturo Labriola). La grève, le syndicalisme, la coopération, la lutte de classe en général furent considérés, au grand dam de l’orthodoxie marginaliste bourgeoise qui évolua vers le nationalisme, comme des mécanismes essentiels de rééquilibrage entre les facteurs travail et capital (Enrico Leone, Alfonso De Pietri-Tonelli, Agostino Lanzillo).

C’est dans ce contexte théorique, bien italien, que prit corps l’hypothèse d’un « socialisme de marché » qui ne manquera pas d’être discutée plus tard en écho aux débats sur la planification en Union soviétique.


Cet article a été publié dans Mil neuf cent, n° 22, 2004 : Enquête sur l’enquête, p. 246-247.
Auteur(s) : GIANINAZZI (Willy)
Titre : Marco E.L. Guidi et Luca Michelini (dir.), Marginalismo e socialismo nell’Italia liberale. 1870-1925 : Annali [de la Fondation Giangiacomo Feltrinelli], XXXV, 1999 [paru en 2001], 618 p.
Pour citer cet article : http://www.revue1900.org/spip.php?article87


[1Voir également Luca Michellini, Marginalismo e socialismo. Maffeo Pantaleoni (1882-1904), Milan, Franco Angeli, 1998.