Revue d’histoire intellectuelle

Accueil > Actualités > 9 janvier 2009 : La pensée coloniale (colloque)

9 janvier 2009 : La pensée coloniale (colloque)

vendredi 28 novembre 2008

La Pensée coloniale 1900
Colloque organisé par la revue

Vendredi 9 janvier 2009
9h00 – 18h30

University of Chicago Center in Paris,
6, rue Thomas Mann, Paris 13e,
(Métro Bibliothèque F. Mitterrand)

Entrée libre

Programme et intentions

9h00 - 12h30 :
Penser le colonialisme
Comment la pensée du colonialisme s’élabore-t-elle au tournant du siècle ?

Présidence : Jacques JULLIARD
- Gilles CANDAR : La gauche coloniale
- Claude PRUDHOMME : Mission et colonisation, une même matrice culturelle pour deux projets impériaux ?
- Emmanuelle SIBEUD : Assimiler et protéger les « indigènes ». Enjeux et logiques au début du XXe siècle.
- Frederick COOPER et Jane BURBANK : « Nouvelles » colonies et « vieux » empires, 1870-1920.

14h00 – 17h30
Penser les colonies
Lieux et acteurs du phénomène colonial

Savoir et représentations
Présidence : Anne RASMUSSEN
- Pierre SINGARAVELOU : Les « sciences coloniales » sous la IIIe République : le moment impérial de l’histoire des sciences sociales ?
- Olivier COSSON : Pragmatique et théorie militaires aux colonies : approche d’un phénomène au tournant du siècle.
- Emmanuelle SAADA : Penser le fait colonial à travers le droit en 1900.

Marges et limites
Présidence : Annette BECKER
- Nassima BOUGHERARA : Puissance impériale allemande : un état d’esprit. Colonialistes et colonisés.
- Yaël DAGAN : Les mots du sionisme, retour aux sources.
- Maddalena CARLI : Un imaginaire colonial sans colonies : les pavillons italiens dans l’Exposition coloniale de Paris, 1931.

17h30 – 18h30 : Conclusions (Christophe PROCHASSON) et discussion générale

I n t e n t i o n s

Des études menées dans une perspective d’histoire culturelle du fait colonial ont permis, ces dernières années, de considérer l’impérialisme comme l’une des matrices importantes de la modernité, comme un espace tant matériel que symbolique partagé entre sociétés colonisatrices et sociétés colonisées. Ces acquis peuvent constituer le point de départ d’une réflexion sur l’inscr1ption de la pensée coloniale dans le contexte intellectuel du tournant du XXe siècle, afin de combler une lacune. En effet, plus de trente-cinq ans après la grande synthèse historique de Raoul Girardet (L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, 1972), un large tableau de l’histoire intellectuelle du colonialisme reste à faire.

Cette lacune n’est pas le fruit du hasard, elle reflète une difficulté inhérente au phénomène colonial qui ne se prête pas facilement aux tentatives de systématisation, tant l’objet semble échapper à l’analyse. La colonisation et le colonialisme, trop longtemps sans doute abordés sous l’angle de l’événement, intellectuel ou politique, ne constituent-ils pas plutôt un phénomène social et culturel global ? Plus qu’une théorie cohérente, autrement qu’une idéologie, encore moins comme une discipline autonome, le colonialisme prend la forme d’une sensibilité diffuse. Son absence du tableau des grandes théories politiques contemporaines, sa marginalité par rapport aux grandes disciplines scientifiques trahissent une présence souterraine, non avouée et partant plus profonde parce que difficilement cernable.

Nous faisons l’hypothèse que le phénomène colonial est une composante capitale de l’univers intellectuel, scientifique et culturel européen des deux derniers siècles. Par ailleurs, le début du XXe siècle constitue pour le colonialisme (comme pour d’autres mouvements de l’esprit) un moment crucial. Ainsi des études menées ces dernières années suggèrent qu’une certaine prise de conscience, ou pour le moins, une interrogation, se cristallise alors. Le ralentissement de l’expansion européenne et les nouveaux paradigmes qui émergent ou s’imposent au tournant du siècle conduisent divers acteurs à interroger l’évidence supposée de la « possession du monde ». Que penser de cet héritage, vivant mais composite, fruit de temporalités de conquêtes aux finalités divergentes ? Quels sont les exigences et l’avenir de ce symbole contestable et problématique de la puissance nationale voire européenne ? La domination coloniale constitue ainsi un objet de réflexion pour l’époque.

Mais le nouveau rapport colonial au monde n’est pas seulement une préoccupation scientifique, théorique. Il pose en particulier la question fondamentale de son impact sur les identités européennes et extra-européennes. Comment la « pensée coloniale », nébuleuse que l’on suppose aussi hétérogène que son objet, fait-elle face à la tâche ardue de concevoir un espace colonial à la fois global et discontinu, qui modèle les identités (régionales, nationales, continentales) et donc les cultures ? Peut-on parler d’un espace culturel mondial à son sujet, un espace dont l’étendue comme la profondeur sont encore largement inexplorées ? Conçoit-on alors, cherche-t-on à prendre la mesure de l’interpénétration entre colonisés et colonisateurs qui sous-tend la domination elle-même ?

Loin de la problématique de la mémoire – trop chargée idéologiquement – et des lectures moralisantes du phénomène, alors que le colonialisme fait l’objet de nombreux colloques et attire l’attention du public, nous proposons de faire place à la fois aux dernières recherches d’histoire intellectuelle sur la question et de traquer les ressorts et motivations de quelques-uns des acteurs très divers de la colonisation (colons ou militaires, fonctionnaires, religieux, mais aussi par exemple visiteurs de l’exposition coloniale) afin de saisir cette dimension diffuse et multiforme du phénomène.

La réflexion s’organisera autour de deux axes majeurs.

La matinée, sous le titre « Penser le colonialisme », sera consacrée à des interventions assez longues s’interrogeant sur l’inscr1ption du colonialisme dans les structures idéologiques ambiantes, telles les courant politiques de gauche et de droite, les églises, ainsi que sur une comparaison entre la pensée coloniale française et britannique.

La seconde partie de la journée, intitulée « Penser les colonies », sera composée de six communication portant sur des études de cas. En premier lieu, il sera question de la construction des savoirs et des représentations du monde colonisé par certains acteurs (scientifiques, militaires, juristes). En second lieu, on s’intéressera à quelques configurations du colonialisme qui représentent des cas limites soit dans leurs pratiques soit dans leur expression (pensée coloniale sans colonies dans le cas de l’Italie fasciste, ou aspects coloniaux du mouvement sioniste).