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Carlos Miguel Herrera (ed.), Georges Sorel et le droit.
vendredi 25 septembre 2015
Lectures
Carlos Miguel Herrera (ed.), Georges Sorel et le droit
Paris, Éd. Kimé, coll. « Philosophie politique », 2005, 168 p.
GIANINAZZI (Willy)
Après les remarquables articles de Shlomo Sand et Patrice Rolland, voici enfin un ouvrage – tout aussi remarquable – qui aborde l’un des sujets qui a le plus passionné Georges Sorel : la genèse du droit et sa place dans les luttes de classe. Sorel aurait voulu donner une synthèse de son propre Socialisme juridique qui aurait été comme son « testament scientifique ». Ses annotations sont restées au contraire éparses. Elles s’inscrivent cependant dans « un moment syndical » important de la pensée du droit, au début du XXe siècle, qui ne se réduit pas aux manœuvres d’intégration du socialisme réformiste et étatiste, et qui sera le terreau fécond d’une réflexion juridique anti-formaliste que mèneront, entre autres, Maxime Leroy, à la fois proche et critique de Sorel, et le proudhonien Georges Gurvitch.
Pour Sorel, qui s’inspirait à sa façon de Proudhon, Ihering et Savigny, le droit est intrinsèquement historique et trouve son dynamisme dans le conflit social. Le conflit de classe est moins une lutte pour le pouvoir qu’une lutte pour imposer des droits. Il y a cependant une autonomie du droit car la sanction juridique s’impose à tous selon des règles acceptées comme rationnelles. Alors que la législation sociale, comme toute loi, fige une situation, à la jurisprudence revient la tâche d’aménager le droit. Les juges prennent acte d’un état de fait coutumier et le transforment en droit. Par leur action, les syndicats participent à cette élaboration. La violence quant à elle clarifie les enjeux et distingue les parties en cause. Au droit de propriété, les ouvriers opposent les droits sur leur emploi et sur les modalités de la grève. Au côté du droit bourgeois s’épanouit un droit ouvrier qui préfigure le socialisme de droits.
Cet ouvrage important et utile, qui ne s’arrête pas à Sorel car il passe également en revue le « sorélisme » diffus qui a parcouru certaine pensée du droit en France, comprend l’article de Sorel, inédit en français, « Les idées juridiques dans le marxisme », recueilli à l’origine dans les Saggi di critica del marxismo publiés en Italie en 1903, et les contributions savantes de C.M. Herrera, P. Rolland, Bruno Silhol et Michel Borgetto.
Cet article a été publié dans Mil neuf cent, n° 24, 2006 : , p. 205-206.
Auteur(s) : GIANINAZZI (Willy)
Titre : Carlos Miguel Herrera (ed.), Georges Sorel et le droit : Paris, Éd. Kimé, coll. « Philosophie politique », 2005, 168 p.
Pour citer cet article : http://www.revue1900.org/spip.php?article106